Article initialement paru dans Challenges le 5 juin 2023
Apple : un « ordinateur spatial » pour faire oublier le métavers
Avec son nouveau casque, Apple Vision Pro, la marque à la pomme cherche à relancer l’intérêt pour les mondes immersifs. Et entend bien doubler Meta, dont les promesses autour du « métavers » peinent à se concrétiser.
CHRONIQUE – La commercialisation par Apple d’un casque de réalité augmentée marque un point de bascule crucial dans notre rapport au numérique, ouvrant la voie à des changements profonds dans le quotidien, brouillant de plus en plus la frontière entre monde physique et virtuel. Reste à relever le défi de l’adoption massive de ce nouveau dispositif. Pas une mince affaire avec un prix de vente de 3.499 dollars, explique notre chroniqueuse Morgane Soulier.
5 Juin 2023. Apple, l’entreprise bien connue pour imposer l’adoption d’équipements innovants (on se souvient de l’iPod, de l’iPhone, de l’iPad, de l’iWatch), a révélé lors d’une keynote son tant attendu casque de réalité augmentée. Tim Cook, dans les pas de Steve Jobs, a estimé que l’Apple Vision pro est « une plateforme de réalité augmentée inédite et un produit révolutionnaire ». Ce nouvel outil intègre un mode d’interaction inédit faisant appel uniquement à nos yeux, nos mains et notre voix.
L’annonce marque un point de bascule crucial dans notre rapport au numérique, ouvrant la voie à des changements profonds dans nos vies quotidiennes, transformant notre rapport aux écrans et brouillant de plus en plus la frontière entre mondes physique et virtuel.
Les casques ou lunettes de réalité augmentée révolutionneront notre manière de travailler, de nous divertir, de nous informer et d’interagir les uns avec les autres. Nous pourrions bientôt vivre dans un monde où les informations essentielles sont projetées devant nos yeux, où les distances physiques ne sont plus un obstacle pour partager des moments avec nos proches. L’apprentissage deviendrait une expérience immersive et interactive.
Un quotidien bouleversé
Imaginez vous en 2030. Votre réveil sonne. Au lieu de chercher votre téléphone pour éteindre l’alarme, un geste de la main en direction de l’horloge virtuelle flottant au-dessus de votre tête suffit. Vous enfilez vos lunettes (aussi fines que légères et agréables à porter), votre journée peut commencer. Votre agenda s’affiche devant vos yeux, superposé à la réalité de votre chambre : rendez-vous, tâches à accomplir, messages importants, le tout sans avoir à toucher un écran. Répondre à un mail ? ll suffit de le dicter ou d’afficher le clavier virtuel à bonne hauteur.
Les lunettes sont ensuite utilisées pour choisir vos vêtements. Une application de réalité augmentée projette votre silhouette avec différentes tenues, sans même les essayer. Les assortiments les plus adaptés à vos rendez-vous du jour sont suggérés.
Vous préparez ensuite le petit déjeuner. Vos lunettes, connectées à une application de santé, suggère le menu idéal pour maintenir vos objectifs de santé.
Sur le chemin du travail, vos lunettes vous fournissent des informations en temps réel sur le trafic, la météo, les actualités. Vous recevez des rappels pour votre réunion de la matinée, avec des notes flottant dans votre champ de vision. Si vous conduisez, elles vous parleront pour vous fournir les éléments dont vous avez besoin sans vous mettre en danger.
Vous réservez dans un restaurant pour votre déjeuner. Vous êtes guidé à votre table par vos lunettes. Grace à l’application de réalité augmentée de l’établissement, le menu 3D apparaît devant vous. Chaque plat s’affiche, la provenance des ingrédients qui le compose, le nombre de calories qu’il contient, les avis des autres clients. L’app vous conseille la constitution du menu le plus adapté à vous. Vous pouvez commander votre repas et le payer directement pour ne pas perdre de temps.
L’après-midi, vous assistez à une réunion avec des collègues à l’autre bout du monde. Les participants apparaissent dans votre bureau comme s’ils étaient physiquement présents. Vous pouvez partager des documents, montrer des prototypes et même interagir avec des modèles 3D, tout cela dans l’espace qui vous entoure.
Retour à la maison : les lunettes vous indiquent où se trouvent les places de parking disponibles à proximité de votre domicile. Vient l’heure du dîner familial. Une application de cuisine en réalité augmentée vous fournit, directement sur votre plan de travail, les différentes étapes culinaires. Il est même possible de visualiser le plat final.
Il est temps de se détendre en pratiquant un jeu de réalité augmentée avec vos enfants, où les personnages apparaissent comme s’ils étaient dans votre salon. Ou peut-être choisissez-vous de lire un livre, mais au lieu de le tenir dans vos mains, le texte flotte devant vous, permettant une expérience de lecture totalement mains libres. A l’heure fixée, vos lunettes s’éteignent automatiquement.
Relever le défi de la démocratisation
En théorie, les lunettes connectées d’Apple devraient donc bouleverser nos vies. Mais reste à identifier si, comme ses précédentes innovations, la firme saura nous convaincre du caractère indispensable de cet outil numérique pour faciliter nos quotidiens. Les freins à lever restent en effet importants.
Les lunettes « Vision Pro » seront lancées à un prix exorbitant – 3.499 dollars -, ce qui constitue une véritable barrière pour le grand public. Cette première version sera plutôt destinée aux développeurs et aux entreprises, leur permettant de concevoir des applications adaptées à la réalité augmentée, spécifiquement conçues pour l’intégration dans l’App Store. Il est possible que le nombre d’applications disponibles lors du lancement soit limité, même si Tim Cook a annoncé que des milliers d’applications iPhone et iPad seront compatibles dès le lancement.
Toutefois, une fois que la taille critique du nombre d’applications proposées sera atteinte et que la qualité des expériences sera optimale, ces lunettes pourront être largement diffusées, garantissant ainsi une adoption optimisée. A ce titre, le partenariat annoncé ce lundi avec la plateforme de streaming Disney+ sera précieux pour faire changer d’échelle l’usage du produit.
On estime qu’il faudra 5 à 7 ans avant d’atteindre un usage massif de ces nouveaux dispositifs, sachant que d’autres entreprises, telles que Meta (le groupe de Facebook) ou Samsung pour ne citer qu’elles, travaillent sur leur propre dispositif, ce qui favorisera aussi bien sûr l’amélioration des taux d’adoption.
Meta devrait lancer une première version de dispositif de réalité augmentée l’an prochain. L’entreprise se donne l’objectif d’en démocratiser l’adoption à horizon 2030 et de s’imposer face aux produits concurrents, notamment ceux d’Apple, avec un objectif d’1 milliard de personnes équipées d’ici la fin de la décennie. De quoi changer le quotidien d’un huitième de la population mondiale.